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Par La lettre de Laurent Joffrin
27 mars · 2 mn à lire
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Idées fausses sur le terrorisme

IDÉES FAUSSES SUR LE TERRORISME <br><br>On entend souvent qu’il faut prendre des mesures répressives contre le terrorisme, quitte à s’affranchir de certaines libertés publiques. L’exemple russe montre exactement le contraire.

Au-delà de l’émotion élémentaire et légitime, par-delà la compassion due aux victimes russes, l’attentat barbare survenu dans une salle de concert à Moscou oblige à réviser certaines idées reçues trop souvent invoquées lors de ces événements tragiques.

Ainsi des réactions venues de la droite ou de l’extrême-droite à chaque fois que se manifeste une attaque meurtrière perpétrée par le terrorisme islamiste. Les démocraties sont trop faibles, entend-on, la protection des libertés publiques est un frein pour les forces de police, il faut prendre des mesures d’exception – c’est-à-dire autoritaires – pour juguler ce fléau récurrent. L’ennui, comme on le lit dans Le Figaro d’hier, c’est qu’aucune réalité ne vient soutenir ces appels à la fermeté autoritaire.

Depuis qu’il est en place, en effet, le régime de Vladimir Poutine n’a cessé de proclamer sa volonté de lutter par tous les moyens contre le terrorisme. On se souvient de la phrase emblématique qui a permis à cet ancien fonctionnaire du FSB d’arriver au pouvoir : « On les butera jusque dans les chiottes ». Et de fait, les forces de sécurité russes ne s’embarrassent pas de scrupules humanistes quand il s’agit de traquer les auteurs d’attentat. On a même pu constater ces derniers jours que les suspects arrêtés après l’attentat de Moscou ont été manifestement torturés avant d’être présentés au public.

Et pourtant, note Le Figaro, « si la Russie a toujours été l’un des porte-voix les plus sonores contre le terrorisme, elle est l’un des pays les plus touchés au monde, hors Afrique et Moyen-Orient. Entre 1970 et 2023, six des vingt attentats les plus meurtriers se sont déroulés sur le sol russe : à Boudionnovsk en 1995 (121 morts), Moscou en 2002 (130 morts), Beslan en 2004 (334 morts), Rostov-sur-le-Don en 2004 (90 morts) et donc le Crocus City Hall en 2024 (139 morts). » Autrement dit, un régime aussi répressif que la Russie de Poutine ne parvient pas à lutter contre le terrorisme mieux que ces démocraties « décadentes et droits-de-l’hommistes » dénoncées par la droite dure.

Autre cliché, venu de la gauche celui-là : le terrorisme est un phénomène social avant tout, une sorte de protestation désespérée contre les injustices des sociétés riches ou contre le « vide des valeurs » qui caractérise la civilisation occidentale. D’où les déclarations de certains intellectuels égarés, qui voient dans ce genre d’attentat un « acte de résistance ». Deuxième déconvenue intellectuelle : Le Figaro, dans le même article, rappelle que les attentats de loin les plus nombreux et les plus meurtriers n’ont pas lieu dans les sociétés riches, mais bien au contraire dans des pays pauvres d’Afrique ou du Moyen-Orient.

Ce ne sont pas les « nantis » ou les « colonialistes » qui sont d’abord visés. Ce sont les populations pauvres de ces pays du sud que les islamistes cherchent à terroriser pour les soumettre à leur cause. Loin d’exprimer un mythique soulèvement du « sud global » contre un « nord » repu et exploiteur, les attaques terroristes sont en grande majorité perpétrées par des djihadistes pauvres contre d’autres pauvres qui ont le grand tort d’être rétifs à l’embrigadement islamiste. Autrement dit, le terrorisme n’est pas l’expression sanglante de la lutte des classes, mais d’abord la manifestation barbare du fanatisme religieux qui déchire une partie du monde musulman. Cela n’empêche pas de dénoncer hautement les inégalités qui minent la vie internationale. Mais cela devrait nous éviter de faire passer les « fous de dieu » pour des défenseurs des humbles et des déshérités.

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