GAUCHE : UNE HOMOSEXUELLE DISCRIMINÉE, UNE LISTE DE JUIFS - Deux incidents séparés mais tout aussi scandaleux font l’actualité de ces derniers jours, démontrant une nouvelle fois les effets désastreux de l’idéologie décoloniale.
À Saint-Ouen, une candidate écologiste homosexuelle se retire parce qu’elle est en bisbille avec les militants censés la soutenir, mais aussi parce que ceux-ci, dit-elle, lui ont fait comprendre que si les écologistes voulaient rallier les suffrages de « quartiers populaires », il était risqué de présenter une lesbienne en tête de liste, serait-elle maire-adjointe sortante.
À Lyon, un universitaire proche de LFI publie une liste composée pour l’essentiel de personnalités juives – Arthur Essebag, Charlotte Gainsbourg, Johan Sfar, Alain Minc, etc. – présentées avec cette formule vengeresse : « 20 génocidaires à boycotter en toutes circonstances ». Il se défend en avançant qu’il n’a fait que reprendre la liste des signataires d’une pétition pro-israélienne qu’il veut dénoncer. Il ne lui vient pas à l’esprit que, même dans cette circonstance, une liste de Juifs à ostraciser rappelle en France de fort mauvais souvenirs.
Ainsi, dans les deux cas, des militants de gauche en principe vaccinés contre l’homophobie ou l’antisémitisme en usent avec éclat, même si l’on sera assez charitable pour admettre qu’ils l’ont fait involontairement (ce dont leurs adversaires doutent néanmoins). Les écologistes de Saint-Ouen prêtent aux quartiers populaires (en fait, pour parler clair, aux musulmans de la ville) des préjugés anti-homosexuels suffisamment affirmés pour les dissuader de voter pour une lesbienne, ce qui est déjà problématique, mais, surtout, préfèrent écarter la candidate et légitiment du même coup cette homophobie supposée. Quant à cet universitaire faiseur de listes, il qualifie de « génocidaires » des gens qui n’ont tué personne et soutiennent la paix, et met en relation directe, par l’effet de ladite liste, leur opinion et leur identité juive, tombant ainsi dans l’essentialisme le plus dangereux.
Dérapages malencontreux ? Il faut craindre que non. Dans les deux cas, on devine facilement que de ces honteux agissements ont une origine commune, le dogme décolonial, selon lequel la planète se divise en deux camps : ceux qui ont hérité de la domination coloniale et ceux qui en sont ou en ont été les victimes. Les premiers sont coupables par essence et l’on doit s’abstenir de prendre avec eux la moindre précaution ; les seconds ont raison par construction, et on doit prendre en compte leurs convictions, aussi contestables soient-elles.
Ainsi l’homophobie supposée des musulmans – que l’on condamne avec virulence par ailleurs – doit entrer dans les calculs électoraux. Ainsi les Juifs, placés tout uniment du côté des « dominants » profitant d’une situation coloniale, doivent être dénoncés sans ménagement et en tant que tels, s’ils s’avisent d’exprimer une opinion qui déplaît.
Une seule cible dans ce « deux poids deux mesures » : l’universalisme des droits de humains, dont on estime qu’il doit s’appliquer différemment selon les communautés. Victimes nées, les musulmans doivent être excusés pour des manquements réels ou supposés, qu’on dénoncerait hautement chez d’autres religions ou d’autres groupes. Coupables ontologiques, les Juifs qui soutiennent, non pas Netanyahou mais Israël comme État souverain, ne méritent aucun égard et doivent être cloués au pilori sans férir. Voilà où en est cette partie de la gauche abusée par le décolonialisme, qui condamne ou excuse selon leur origine ceux qui en sont les auteurs.
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