L’édito – Comment faire voter RN

COMMENT FAIRE VOTER RN - Contrairement à ce qu’on entend à l’extrême-droite, les graves violences qui ont émaillé l’après match PSG-Inter Milan ont donné lieu à des réponses rapides de la police et de la justice. Malgré cela, le jeu médiatique favorise le vote extrême.

LeJournal.info
3 min ⋅ 05/06/2025

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Police inefficace, justice laxiste… L’éternelle ritournelle des responsables de la droite dure et des médias qui leur sont liés s’est une nouvelle fois fait entendre depuis dimanche, après l’émeute post-match du PSG. Une nouvelle fois, les faits viennent la contredire : la police a procédé à plus de 500 interpellations, un record du genre dans ce genre de circonstance. Comment peut-on affirmer qu’elle est restée inerte devant ce débordement émeutier ?

De même, ces interpellations ont débouché sur de nombreuses gardes à vue, lesquelles ont été suivies par des présentations devant la justice, qui a infligé les peines prévues par le code pénal : libération quand les preuves manquaient, rappels à la loi pour les cas bénins, peines d’alternative à la prison, peines de prison avec sursis ou fermes pour les cas les plus lourds, avec bracelet ou incarcération en fonction de la gravité des faits, parfois avec mandat de dépôt à l’audience.

Réponse policière et judiciaire donc : en parlant d’impunité, d’impuissance, de « culture de l’excuse » ou de d’indulgence scandaleuse, l’extrême-droite se moque du monde. Et pourtant, elle engrange… D’abord en raison d’une mécanisme médiatique implacable. Pour masquer son relatif échec, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau en rajoute dans l’outrance rhétorique. « Ce sont des barbares », clame-t-il devant tous les micros. Le profil des premiers condamnés, souvent des primo-délinquants, le désavoue, mais peu importe. Le ministre a provoqué ce qu’il voulait : une polémique publique dans laquelle la gauche, les progressistes, les « bien-pensants », se récrient en stigmatisant un discours excessif et implicitement discriminatoire (étymologiquement, les « barbares » sont des étrangers, voire des envahisseurs).

Sur le fond les contempteurs du ministre (dont l’auteur de ces lignes) ont raison. On peut parler de voyous, de délinquants, de casseurs, de pillards, etc. mais « barbare » est excluant et exagéré. L’ennui, c’est que pour une bonne partie de l’opinion, la leçon en trois temps est terrible pour la gauche :

  1. Il y a des émeutes violentes et choquantes

  2. Retailleau stigmatise les délinquants

  3. La gauche stigmatise… Retailleau. Le piège se referme : pour le bon peuple, la droite attaque les voyous et la gauche les défend. Passez muscade.

Même mécanisme sur le plan judiciaire. Toute la France voit, à la télé ou sur Internet, la violence aveugle des émeutiers, les agressions contre les policiers, les exactions des pillards, l’usage dangereux des « mortiers » de feux d’artifice. Deux jours après, de par l’application de la loi et le respect des procédures, la grande majorité des manifestants interpellés à ce jour sont élargis, et la majorité des condamnés reçoivent des peines avec sursis ou bien assorties du port d’un bracelet. Laxisme ? Indulgence ? Non : application de la loi par des juges qui ne font que leur travail.

Réponse toute faite : il n’y a qu’à durcir les lois. Or c’est ce qu’on fait depuis des décennies, jusqu’à toucher une limite, qui est la défense élémentaire des droits de la défense et des libertés publiques. Sans résultat tangible, puisque la violence d’après match continue, tout comme les incendies de voiture à Noël ou les débordements en marge des manifestations sociales. Alors ? Rien à faire ?

On ne veut pas le croire. Réétudier les modes d’action policière, donner de nouvelles consignes au parquet, ajuster le dispositif pénal, punir plus sévèrement les attaques délibérées contre les policiers : ce ne sont que des pistes hypothétiques, qui prêtent à débat. Mais une chose est claire : tant que la gauche n’aura pas réfléchi sérieusement à cette question et préférera la laisser à la droite dure, de par les mécanismes qu’on vient de décrire, celle-ci en fera son miel électoral.


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Laurent Joffrin est écrivain et journaliste, auteur d’une lettre politique fondée sur les valeurs de la gauche républicaine, sociale et écologique. Licencié en sciences économiques, diplômé de Sciences Po et du Centre de formation des journalistes, il a dirigé Le Nouvel Observateur et Libération pendant de longues années. Il est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages, essais politiques, livres d’histoire et romans policiers historiques, notamment Les Aventures de Donatien Lachance, détective de Napoléon et Les Enquêtes de Nicolas Le Floch, commissaire des Lumières. Il a produit pour France Inter l’émission Diagonales, au croisement de la culture et de la politique et, pour France 5, l’émission Les Détectives de l’Histoire. Il participe régulièrement aux débats politiques des chaînes d’info. Il préside Engagons-Nous, association et thinktank progressiste. Il pratique la voile sur son plan Cornu Pleg Mor ; il a animé longtemps le groupe pop les HeadlessChicken.

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