Les éditorialistes sont parfois lents à la détente. Voici que dans un sursaut de lucidité, ils reconnaissent enfin le rôle essentiel que la social-démocratie peut et doit jouer dans la vie politique française. Il était temps. Depuis de longues années, pourtant, il était clair, à qui réfléchissait trente secondes, que l’effacement relatif du courant réformiste et républicain au sein de la gauche ne pouvait durer bien longtemps. Un électorat déconcerté ou divisé n’est pas un électorat disparu. Beaucoup de Français aspirent à une politique de réforme sociale réaliste, qui tienne compte des défis nouveaux qui assaillent le pays. Égarés chez Macron ou chez Mélenchon, ces électeurs attendent qu’une gauche crédible se forme à nouveau. Comme on dit en économie, ce n’est pas la demande qui faisait défaut, mais l’offre.
Celle-ci s’est peu à peu reconstituée, même s’il lui manque encore beaucoup pour retrouver son rôle. Le bon score de Raphaël Glucksmann aux Européennes, le travail patient de Bernard Cazeneuve et son irruption pendant l’été parmi les Premiers ministres possibles, l’illustration nouvelle d’un Karim Bouamrane, d’un Nicolas Mayer-Rossignol, d’une Hélène Geoffroy, d’une Carole Delga ou d’un Michael Delafosse, l’élection de François Hollande et son action de stratège et de porte-parole au sein du PS, ont montré qu’une pléiade de responsables désormais visibles incarnent la renaissance de la social-démocratie française.
Acceptée et menée par Olivier Faure, l’émancipation des socialistes vis-à-vis de la France Insoumise, dessinée par le choix de la non-censure au Parlement et la volonté de passer des compromis plutôt que de rester sur un Aventin radical, a cristallisé la prise de conscience, dans les médias et dans l’opinion. Non, la domination de Jean-Luc Mélenchon sur la gauche n’a rien de fatal. Non celle du macronisme sur l’électorat de centre-gauche n’est pas inscrite dans le marbre. Non la place désormais centrale du courant socialiste n’est pas la simple persistance rétinienne d’une histoire révolue.
Deux obstacles ont été levés depuis la dissolution : le macronisme s’est gravement affaibli et n’offre plus aux progressistes le refuge qu’ils avaient cru y trouver ; la férule insoumise n’existe plus dès lors que les échéances électorales normales sont respectées. Pourquoi s’embarrasser du licol mélenchonien ? Aux municipales, LFI a décidé de rompre tout accord d’union sur le plan national en espérant sanctionner l’indépendance nouvelle des socialistes. À la présidentielle, l’entrée en lice annoncée de Jean-Luc Mélenchon ruine l’idée d’une candidature unique et oblige le courant réformiste à se trouver une championne ou un champion.
Le travail de renaissance ne fait que commencer. Il y manque l’unité de la gauche républicaine, qui ne pourra prétendre jouer un rôle si elle continue à se diviser en multiples chapelles qui disent la même chose mais agissent séparément. C’est le rôle du PS, lors de son prochain congrès, d’organiser le rassemblement. Il y manque, enfin et surtout, le projet crédible qui remplacera le programme du NFP, conclu dans la hâte à des fins électorales, mais depuis longtemps rendu obsolète par le bouleversement de la situation mondiale et par la crise qui secoue la France. Unité des réformistes, projet neuf : telles sont les deux tâches urgentes, sans lesquelles la gauche continuera de jouer les seconds rôles dans la vie de la nation.
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