LEGRAND ET COHEN : LES DEUX CIBLES D’UNE GUERRE CULTURELLE - À cause d’une phrase maladroite, les deux éditorialistes sont cloués au pilori dans un spectaculaire concert d’invectives. On parle déontologie : il s’agit bien plus sûrement d’une opération de « reconquête culturelle » soigneusement orchestrée.
Quelle fanfare d’animosité, quelle symphonie de la rancune ! Deux journalistes célèbres de France Inter, Thomas Legrand et Patrick Cohen, enregistrés à leur insu, discutent cordialement dans un restaurant avec deux responsables socialistes. Aussitôt l’orchestre Bolloré déchaîne les grandes orgues de l’indignation déontologique. Merveilleux procureurs qui jouent les puritains alors que leur connivence patente avec la droite ou l’extrême-droite s’affiche sans cesse, non dans des conversations autour d’une table, mais directement à l’antenne…
L’objet du scandale ? Une phrase de Legrand sur Rachida Dati, dont l’intéressé confesse la maladresse dans sa mise au point subséquente : « Nous, on fait ce qu’il faut pour Dati, Patrick et moi ». Aussitôt ils sont accusés de comploter avec le PS pour barrer à la ministre de la Culture la route de la mairie de Paris, interpellation serinée à tous les micros et sur tous les plateaux de la fachosphère, qui pullulent dans le PAF et sur les réseaux.
Un réquisitoire, il faut bien le comprendre, avant tout marqué par la confusion et la mauvaise foi. Excellents commentateurs, rigoureux dans leur maniement des faits, Legrand et Cohen sont taxés de partialité. Léger problème : ils ne sont plus journalistes de terrain, mais éditorialistes et présentés comme tels au public, le premier à France Inter et Libération, le second à France Inter et France 5. Autrement dit, ils ont pour fonction, non de rester neutres dans leurs analyses, mais de donner leur avis, quitte à être contredits sur les mêmes antennes – chose fréquente – par d’autres commentateurs ou intervenants d’un avis différent. Un éditorial neutre, c’est comme une guitare sans cordes. Confusion, donc : on leur reproche leurs avis, alors qu’ils sont justement payés pour en avoir, au vu et au su de tous.
On dira : la phrase de Legrand suggère qu’ils vont au-delà et se mettent au service d’un parti pour interférer dans une campagne électorale. Rien de plus faux dès qu’on prend un peu de recul. Quiconque les écoute sur la longueur peut constater qu’ils n’hésitent pas à critiquer le PS ou la gauche quand ils l’estiment nécessaire. Une orientation, des idées personnelles, des louanges ou des reproches à l’égard de tel ou tel ? Certainement. Une complaisance partisane ? En aucune manière.
D’ailleurs, Legrand précise dans ses explications que le repas incriminé a commencé par les reproches que leur ont adressé Pierre Jouvet et Luc Broussy. Pour les deux chefs socialistes, Legrand et Cohen ne traitent pas Olivier Faure, premier secrétaire du parti, avec assez de considération. Discussion classique entre deux responsables politiques qui plaident leur cause et les éditorialistes qui commentent leurs faits et gestes, à l’inverse de toute connivence.
On dira encore : les deux accusés ont ciblé personnellement Rachida Dati, jusqu’à « faire ce qu’il faut », excédant les règles de leur métier. C’est oublier, au passage, que le cas de la ministre de la Culture est tout de même très particulier. Il y a d’abord son rapport pour le moins élastique avec la vérité et sa propension à manier l’invective et l’attaque personnelle. Il y a ensuite les menaces virulentes qu’elle profère volontiers contre ceux qu’elle désigne comme des ennemis personnels, par exemple les poursuites judiciaires qu’elle a agitées à l’antenne de France 5 contre Cohen, qui avait eu le front de rappeler – à juste titre – les affaires pour le moins embarrassantes qu’elle traîne à ses basques. « Faire ce qu’il faut » : on peut aussi l’entendre comme la nécessité journalistique de rappeler à l’opinion les écarts de la ministre et les soupçons sérieux qui pèsent sur ses agissements. Dans ce cas, on quitte le domaine du jugement de valeur politique pour entrer dans celui de l’impératif civique : donner aux électeurs les moyens de juger d’une candidature douteuse en connaissance de cause.
Il faut être naïf, enfin, pour ignorer que le tintouin organisé autour de cette affaire plutôt mineure obéit à un objectif bien précis : discréditer le service public de l’audiovisuel pour justifier ensuite sa privatisation si droite et extrême-droite arrivent aux manettes. On accuse Radio-France et France-Télévision de militer pour la gauche – alors que les deux sociétés donnent la parole à tout le monde – de manière à les placer ensuite sous la coupe de propriétaires amis qui assureront définitivement la suprématie médiatique de la droite dure. On intente à Cohen et Legrand un procès déontologique. Il s’agit en fait du énième épisode de la « guerre culturelle » menée depuis des lustres par la droite dure.
La présence d’Eric Lombard a été remarquée dans les salons d’honneur de l’Hôtel de Ville de Paris lors de la décoration de son fils par Frédéric Lenica, ex-dircab de Hidalgo, passé chez la libérale Anne Méaux. Cérémonie au cours de laquelle Lenica a lui-même reçu la légion d’honneur des mains de Marc Guillaume, préfet de la région parisienne. Beaucoup de personnalités présentes à cette fête, ce qui a permis au ministre des Finances de faire campagne pour Matignon.
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