Imaginons… Le Premier ministre, plutôt que d’ouvrir seulement une discussion incertaine sur les retraites comme il vient de le faire à l’Assemblée, accepte officiellement une partie des demandes présentées par les socialistes. Tout change. Le PS admet en contrepartie le principe de la non-censure et, grâce aux concessions obtenues, se retrouve en bonne position pour résister au tir de barrage que la France insoumise ne manquera pas de lui faire subir. Le gouvernement est stabilisé pour au moins un an, la réforme des retraites est amendée et le budget voté moyennant les aménagements demandés par le PS.
Tout cela aurait un coût ? Certes, mais à coup sûr inférieur à celui de l’instabilité gouvernementale et, a fortiori, à celui qu’infligerait au pays le renversement de l’équipe Bayrou et le déclenchement d’une crise de régime où le président Macron serait assailli par les extrêmes sur le thème de la démission nécessaire et de l’indispensable recours au vote du pays. Car le risque est là, désormais : mis en porte-à-faux par l’ambiguïté du Premier ministre, le PS, qui a pris ses responsabilités en se détachant de LFI pour discuter avec le « bloc central », se retrouverait contraint, par la logique de la concurrence à gauche, de voter une censure dont, au fond, il ne veut pas.
Non que François Bayrou ait fermé toutes les portes. Par comparaison avec son prédécesseur Michel Barnier, il a clairement dit que la discussion sur les retraites n’était oblitérée par « aucun tabou », pas même celui de l’âge pivot aujourd’hui porté à 64 ans. Mais quand il répète qu’en cas de désaccord entre les partenaires sociaux, c’est la réforme actuelle qui s’appliquera, les socialistes peuvent à bon droit y voir un piège : au bout de trois mois de discussion, il suffit au Medef de refuser tout compromis pour maintenir en place la réforme contestée. Dans cette hypothèse, le PS aurait accepté un processus hasardeux pour se voir tirer le tapis sous les pieds à l’arrivée. On comprend qu’il soit quelque peu méfiant.
Bayrou est le théoricien du centrisme : il se place avec énergie à équidistance de la droite et de la gauche. C’est une ligne, qu’il défend avec un certain talent. Mais les réalités parlementaires étant ce qu’elles sont, il n’a aucune majorité pour faire prévaloir ses vues. Il n’a que deux solutions pour assurer sa survie politique : obtenir la neutralité du RN, ou bien celle du PS. Son tempérament, son histoire, devraient le porter à choisir la seconde issue. Que ne l’a-t-il dit clairement lors de sa déclaration de politique générale ?
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