BB : LE DOUBLE VISAGE DE LA FRANCE - Après avoir incarné une idée de l’émancipation féminine qui a fasciné le public partout dans le monde, Brigitte Bardot a brusquement dévié, rejetant avec colère la modernité et l’ouverture qu’elle avait longtemps favorisées. Un virage qui annonçait celui du pays…
C’est peut-être la presse internationale qui en parle le plus franchement. El Pais, quotidien espagnol cité par Le Monde, voit en elle l’égérie du cinéma français, qui « a anticipé certaines des grandes révolutions qui allaient marquer la seconde moitié du XXᵉ siècle », mais surtout « celle de l’extrême droite » dont la figure était « controversée ». The Guardian ajoute : « dans les années 1950, avant la révolution sexuelle, avant la Nouvelle Vague, avant le féminisme, il y avait Bardot : elle était le sexe, elle était la jeunesse, et surtout Bardot incarnait la modernité ». Pour la BBC, elle fut la « bombe blonde qui révolutionna le cinéma dans les années 1950 » mais « sa réputation a été ternie lorsqu’elle a proféré des insultes homophobes et a été condamnée à plusieurs reprises pour incitation à la haine raciale ».
Cinéma, chansons et mythe BB
Plus qu’un sex-symbol, quoique célébré sur toute la planète, elle offrait le modèle d’une femme soudain libre, disposant de son corps, choisissant à sa guise ses compagnons, indépendante et même rebelle, plus intelligente que les rôles qu’on lui faisait jouer. Elle a été lancée par Vadim dans une œuvre faible, qui a néanmoins créé sinon « la femme », du moins le mythe de BB et de Saint-Tropez, capitale d’une certaine modernité « fifties ».
Sa seule présence électrisait les films inégaux qu’elle a tournés, comme cette manière de jouer faux avec un parfait naturel qui fut aussi celle de Jean-Pierre Léaud, avec Le Mépris de Godard au sommet de sa filmographie, les classiques En Cas de Malheur avec Gabin ou La Vérité de Clouzot et la comédie bien tournée Babette s’en va-t-en guerre avec Francis Blanche, qui rachètent une série de daubes qu’on préfère oublier. Elle laisse aussi quelques chansons marquantes, La Madrague, Comic Strip ou Harley Davidson et surtout Je t’aime moi non plus, provocation amoureuse qu’elle ne voulut pas assumer et qui échut à Jane Birkin. Son compagnonnage passionné avec Gainsbourg redoubla son personnage d’égérie rebelle en voie d’émancipation.
Lucide et maligne dans ses interviews, affranchie de la tradition dans son mode de vie, elle a montré la voie d’une vie plus libre à des millions de terriennes et de terriens encore engoncés dans les préjugés désuets et la morale étriquée de la première moitié du XXème siècle. Et c’est bien à tort qu’on s’est moqué de son amour des animaux, sincère et jamais démenti, animé par une foi militante qui annonçait une nouvelle manière de penser nos rapports avec les bêtes, leur dignité et leur souffrance.
Du symbole d’émancipation au virage réactionnaire
Puis, la quarantaine dépassée, elle s’est sentie déconcertée par cette modernité qu’elle avait contribué à faire naître, comme si son éducation bourgeoise avait soudain repris le dessus. Ses sorties contre les musulmans ou les homosexuels ont heurté, à juste titre l’opinion progressiste, et tout autant son rapprochement désolant avec le FN-RN intolérant et xénophobe. La gauche dénonce légitimement cette seconde vie de BB, qui gâche la gloire acquise au jeune âge. Mais elle doit aussi se demander, au-delà de la dénonciation, pourquoi cette chute annonçait – elle aussi – l’évolution du pays, pourquoi, comme Bardot, une si grande partie de la France s’est détournée de la modernité conquérante pour écouter l’antienne réactionnaire des démagogues et se réfugier dans une nostalgie agressive.
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