MARSEILLE TOMBERA-T-ELLE ? - Gangrénée par le narcotrafic, la deuxième ville de France est sous la menace d’une victoire du RN aux prochaines élections municipales. Pour éviter le pire, Laurent Nunez puis Emmanuel Macron se rendront à son chevet. Est-il encore temps ?
Marseille ne tombera pas ! La promesse assénée à l’Assemblée nationale par le ministre de l’Intérieur Laurent Nunez, était destinée à rassurer. Elle inquiète. Car elle fait suite à la question posée par le député RN Franck Allisio, sur les moyens dont dispose l’Etat pour lutter contre le narcotrafic après le décès de Mehdi Kessaci tué le 13 novembre en pleine rue par trois balles de 9 mm dans le thorax. Sans que l’on connaisse encore l’auteur du crime, cette mort symbolise une « bascule » puisqu’il s’agit du frère du très respecté militant écologiste en pointe contre le trafic de drogue, Mehdi Kessaci. Le parquet de Marseille n’écarte pas l’hypothèse d’un « assassinat d’avertissement » même si certains sur place croient plutôt à la volonté d’empêcher de témoigner une figure clé du procès qui s’ouvre bientôt sur le meurtre du demi-frère de Mehdi Kessaci, Brahim, dont le corps a été retrouvé carbonisé dans une voiture en décembre 2020.
La question de Franck Allisio n’a en tout cas rien d’anodin. Candidat du Rassemblement National à la mairie de Marseille aux prochaines élections municipales, elle vise à dénoncer l’impuissance de l’Etat français à combattre depuis plusieurs décennies les narcotrafiquants dans la capitale phocéenne. Malgré les opérations « Place nette XXL », lancées en avril 2024 en grande pompe à Marseille, et qui ont conduit à 187 mandats de dépôt, le narcotrafic y prospère plus que jamais avec son lot d’assassinats. Dans ce contexte, le décès de Mehdi Kessaci a provoqué un choc tel qu’une marche blanche réunira samedi l’ensemble des tendances politiques de la ville où Laurent Nunez se rend dès ce jeudi pour tenter d’apaiser la situation. Emmanuel Macron y effectuera, lui, mi-décembre sa douzième visite depuis qu’il est président de la République. Il n’a jamais caché son attachement à cette ville d’où est partie sa campagne présidentielle victorieuse de 2017.
Plus de huit années plus tard, après maints déplacements, annonces, et plans divers pour sauver la ville de la mafia qui la gangrène, Marseille deviendra-t-elle le symbole de l’échec du Président ? Car le RN y est en embuscade. Le 9 novembre, l’institut Cluster 17, dans un sondage pour Politico, a placé à égalité à 29 % des intentions de vote au premier tour des municipales, le maire socialiste sortant Benoît Payan (soutenu par les écologistes et le Parti communiste) et le candidat du RN, Franck Allisio. Derrière, la candidate de la droite classique Martine Vassal, recueille 23 % et le candidat des Insoumis Sébastien Deloglu 16%. Les deux ont largement de quoi se maintenir au second tour, étant au-delà du seuil des 10 % des suffrages exprimés.
Dans cette configuration d’une quadrangulaire annoncée au second tour, Benoît Payan obtiendrait 30,5 %, soit seulement 1,5% de plus que Franck Allisio (29%), ce qui situe ce résultat dans la marge d’erreur, comme aime la nommer les sondeurs. Il est trop tôt pour juger de l’effet de l’assassinat de Mehdi Kessaci sur les élections municipales. Mais, même si la lutte contre le narcotrafic n’est pas au cœur de la vie des marseillais, on sait que leur première préoccupation est la sécurité sur les sujets de délinquance habituelle tels les incendies de voiture, les vols ou les agressions. Par ailleurs Franck Allisio affiche un profil « propre sur lui ». Issu des LR, il peut séduire la droite modérée tout en mobilisant la base du RN où il a adhéré en 2018.
A gauche, l’ancien chauffeur de Jean-Luc Mélenchon, Sébastien Deloglu fait figure de repoussoir. Si Benoît Payan a exclu de s’allier à cette figure emblématique des méthodes les plus détestées de LFI, les marseillais craindront-ils quand même qu’il ne soit contraint de lui accorder quelque influence à la mairie s’il veut faire obstacle à son adversaire du Rassemblement National ? Et si c’était le cas, pour qui pencheront alors les électeurs de Martine Vassal si elle était amenée à se désister pour faire obstacle au RN ?
La peur qui s’est emparée des militants politiques dans cette ambiance pourrie où les balles volent sans que l’on sache vraiment d’où elles viennent ouvre la voie à toutes les inquiétudes et à toutes les conjectures.
Marseille ne tombera pas, semble promettre en chœur la classe politique française, en écho au cri du cœur prononcé par Laurent Nunez à l’Assemblée nationale. Mais jusqu’à présent, nul n’a su la protéger des narcotrafiquants, ni Emmanuel Macron, ni Gérald Darmanin, ni aucun autre. Son maire actuel, Benoît Payan – dont chacun admet que le trafic de drogue n’est en rien de sa compétence – pourra-t-il contrer à lui seul l’attaque qu’a lancée le RN sur la deuxième ville de France ?
par Valérie Lecasble
Pour un socialisme démocratique renouvelé et indépendant des Insoumis,
Je soutiens LeJournal.info
La multiplication des grands-messes élyséennes ne suffira pas à effacer les handicaps de l’entreprise France. Derrière les communiqués officiels, la désindustrialisation se poursuit. En cause : les coûts de production… Lire l’article
Quoique lointaine et désolée, la « Terre Verte » des Vikings que Trump veut annexer aux États-Unis est devenue un enjeu stratégique majeur. Un livre concis et brillant dévoile les intrigues qui entourent désormais cette proie de l’Arctique. Lire l’article
La déclaration d’intention Macron-Zelensky consolide le soutien de Paris à Kiev. Mais les obstacles à surmonter sont encore nombreux alors que l’aide à l’Ukraine est urgente. Lire l’article
A quoi servirait un scrutin de la « petite gauche » où ne figurerait aucun des trois poids lourds de la social-démocratie que sont Glucksmann, Hollande et Cazeneuve ? Lire l’article
Trente-cinq ans après le départ du général Pinochet, le vote des Chiliens au premier tour de l’élection présidentielle, le 16 novembre, annonce un tournant radical depuis le retour de la démocratie. La gauche est encerclée, et l’extrême-droite en position de force. Lire l’article
LeJournal.info a 2 ans et il a déjà beaucoup grandi, mais nous avons besoin de vous !
Pour nous soutenir, deux formules d’abonnement : annuelle (80€/an) ou mensuelle (4€/mois).